Je me rappelle quand mon père, au début des années
soixante, devint président du comité marketing
nouvellement créé de la compagnie d’assurances
où il occupait un poste de dirigeant. Ni lui, ni ses
collègues n’avaient une conception précise
de ce qu’était le marketing. Mais l’idée
s’était faite jour qu’il fallait entreprendre
quelque chose pour convaincre les clients et conquérir
les marchés. Jusque-là, il y avait eu des tarifs
et des conditions – et beaucoup de travail relationnel.
Le marketing: qu’est-ce que c’est?
C’est tout d’abord la prise au sérieux du
client. Non comme simple grandeur statistique, mais comme être
humain en chair en os, avec ses besoins, ses aspirations, ses
obligations et ses craintes. En ce sens, le terme est une contradiction
en soi, car ce n’est pas la place du marché qu’il
faut satisfaire, mais bel et bien la clientèle.
Essayons de dégager e contrario ce que cela peut impliquer.
Prendre le client au sérieux, ce n’est pas lui
vendre n’importe quoi à tout prix pour augmenter
le chiffre d’affaires, mais plutôt bien l’écouter,
essayer de se mettre à sa place – «Put yourself
in your customer’s shoes» disent les anglophones.
Ce n’est pas lui créer des problèmes et
du travail supplémentaires, mais l’en débarrasser.
Pensons au montant de travail que certains progrès de
l’informatique nous imposent (mises à jour, sécurisation
des données, pannes de tout acabit) – et nous en
avons un bel exemple négatif.
Prendre la cliente au sérieux, ce n’est pas lui
faire sentir la frustration avec des attaques hargneuses lorsqu’elle
décline une offre qu’elle n’avait jamais
demandée.
Prendre le client au sérieux, c’est lui demander
des excuses lorsqu’une faute s’est produite, et
non lui répondre – comme on l’entend souvent:
«Nous n’avons jamais eu de réclamations à
ce sujet» et lui signaler par là qu’il est
le dernier des couillons. Et c’est surtout assumer la
situation et lui offrir des réparations. On fait bien
de se rappeler que le client est le conseiller d’entreprise
le moins cher.
Prendre la cliente au sérieux, c’est communiquer
intensément et continuellement et non pas s’annoncer
avec insistance jusqu’à ce que le poisson ait mordu,
puis ne plus se faire entendre pendant des mois. C’est
aussi, lorsque son conseiller personnel quitte l’entreprise,
l’en informer et lui présenter le successeur avant
qu’elle n’apprenne au téléphone que
M. Tartempion «ne travaille plus chez nous depuis longtemps».
Les exemples sont tous aussi authentiques que vécus –
je vous en épargne une série d’autres.
Il y en a qui confondent le marketing avec la vente à
la criée. «C’est Il y en a qui confondent
le marketing avec la
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vente à la criée. «C’est délirant:
chez nous, les entrepreneurs
ne paient pas d’impôts», gueule une affiche
que l’office pour la promotion économique
de la région du Seetal a diffusée en Allemagne
pour attirer entreprises et résidents. Pour souligner
l’effet massue, le regard un peu abruti d’une vache
confirmant s’il le fallait que le message n’est
pas à comprendre avec un clin d’œil.
Avec tout le respect pour cet effort commun des Argoviens et
des Lucernois, cette publicité est totalement déplacée.
Y a-t-il besoin de renforcer les préjugés de nos
voisins européens voyant les Suisses avides d’argent
offrir un refuge aux blanchisseurs d’argent et fraudeurs
fiscaux? Ce n’est pas avec un morgenstern qu’il
faut se battre sur les marchés, mais avec le fleuret.
Un marketing digne de ce nom est aussi subtil qu’élégant.
Les vacheries n’ont rien à y chercher!
Le marketing, ce n’est pas non plus la soumission inconditionnelle
au dernier cri, la course, aussi haletante qu’illusoire,
aux «solutions-miracle». C’est bien plutôt
la poursuite sérieuse, assidue et continuelle d’un
effort réel de satisfaire aux attentes des clients dans
toute leur diversité en leur proposant les produits et
les services qu’ils demandent. Ce qui n’exclut nullement
qu’on s’adapte à des besoins changeants ou
nouveaux en proposant des solutions innovatrices. Le service
personnalisé d’un gérant de fortune indépendant
représente pour ainsi dire une approche idéale,
tant est-il qu’il permet un suivi intense et des réponses
individualisées.
Le retour aux sources, au travail relationnel, qui marque le
marketing actuel met le client et la cliente au centre des préoccupations.
Les banques le cocolent. Plutôt que de lui imposer le
pénible chemin jusqu’au marché, elles font
même du service à domicile. C’est ainsi que
la Deutsche Bank a agrandi son contingent de conseillers indépendants
mobiles de 26 à 1300, et ses concurrentes en Allemagne,
Postbank, Commerzbank et Citibank ont fait de même. Résultats
à suivre.
Ceci dit, la création, la propagation et l’entretien
d’une marque forte est une condition de survie. Celle-ci
représente un critère d’orientation essentiel
pour le client de plus en plus déboussolé dans
un marché exubérant. Pour lui, la confiance est
la façon la plus efficace d’éviter de tout
devoir vérifier. Ce qui lui simplifie la vie.
Vu les frais élevés que cela représente,
la création d’une telle marque de confiance dépasse
en général les moyens d’une firme isolée.
Elle ne peut être entreprise que par une association,
à l’instar p. ex. de Suisse Tourisme qui propage
les avantages du pays tout entier à l’étranger.
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